Qui est le con, du coup ?
Tel est mon mystère existentiel du matin.
Le sommeil, ce traître capricieux, a pris l’habitude de s’installer pile au moment où je dois me lever. Depuis deux gros traumatismes — 2013, puis 2014, la belle époque — dormir profondément plus de deux heures d’affilée est devenu un luxe rare, presque exotique. Alors, hier soir, j’ai avalé une gélule de CBD, histoire de négocier avec le temps. Et pour une fois, il a accepté la discussion.
Avec une stupeur presque naïve, j’ai réalisé que dormir fait du bien. Dormir, c’est une parenthèse où l’océan tumultueux de mes pensées se transforme en un grand lac parfaitement lisse, où tout mon bric-à-brac émotionnel se range dans les bonnes cases, avec une discipline quasi militaire — je ne sais pas qui commande, mais il est efficace.
Parfois je ris de mes rêves : de vrais messages codés, dissimulés dans un dédale d’aventures rocambolesques, un peu comme ma vie… Mais cette nuit, pas de cryptogramme, pas de traducteur nécessaire : la vérité de mes propres mensonges m’a été servie sur un plateau d’argent. Avec couverts en argent aussi.
Ça pique un peu les yeux, de se voir soi-même sans filtre.
À force de vouloir me camoufler derrière une légèreté feinte, à la limite de la sottise (oui, j’avoue, c’est tellement plus confortable…), j’ai fini par me tirer une balle dans le pied. Sans sommation.
Rares sont les personnes qui ont eu l’intelligence — ou le courage — d’ôter mon masque. Plus rares encore sont celles qui savent quoi faire de la fragilité qu’elles y trouvent.
Et cette nuit, c’est la personne qui compte le plus pour moi aujourd’hui qui s’est chargée du travail : me tuer symboliquement, m’humilier un bon coup, histoire que je comprenne enfin.
Et j’ai compris.
Au réveil :
Pleurer ? Normal.
Avoir mal ? Normal aussi.
Lui en vouloir de m’avoir plongée le nez dans mon propre caca émotionnel ? J’ai hésité.
Et maintenant je décante.
D’ici la fin de la journée, je serai probablement ivre de moi-même.
Peut-être même — qui sait ? — améliorée. Comme un bon vin laissé respirer.
Frédérique Japhet